Au Village de la santé

La CCF dédiait le 11 mars sa rencontre, à l'occasion de la Journée internationale des Droits des femmes du 8 mars 2017, à la prévention, aux soins et à la protection sociale. Des associations et des professionnelles étaient là pour répondre

aux questions du public. La salle du Centre socio-culturel de Bellevue accueillait la nouvelle exposition d'Emulsion, Femmes au travail : 3 pas en avant, 2 pas en arrière, dont c'était la première "sortie" officielle.

La santé est une des préoccupations essentielles des femmes du quartier Bellevue. Celle de leurs enfants mais aussi la leur, mise à mal par des conditions de vie et de travail difficiles, avec des problèmes sur lesquels elles peinent à mettre des définitions et des causes, et surtout contre lesquels elles trouvent difficilement des solutions. L'aide devrait leur venir bientôt d'un Centre de santé en étude pour Bellevue. Nadia Coutand, représentant la Mission santé publique Ouest, venue écouter et recueillir les besoins des habitantes, n'a rien dévoilé des avancées récentes. En attendant, les visiteuses ont pu passer de stand en stand chercher des informations sur ce qui était mis à leur service pour améliorer leur bien-être.

Plein le dos

Fidèle au champ d'action qu'elle s'est fixée, la CSF (Confédération Syndicale des Famille) renseignait sur les droits. Quels sont-ils, comment en jouir, où s'adresser ? Les représentantes donnaient les clefs. Capital, car impossible de veiller à son bien-être si on n'a ni les moyens financiers de le prendre en charge ni la connaissance des droits sociaux qui vont vous y aider.

Tandis que, dans une petite pièce au calme, Sandra Anger initiait les dames à l'auto-massage et aux pouvoirs des huiles essentielles, les kinésithérapeutes de l'association Kiné Prévention 44  s'étaient installées sur la scène pour jouir d'espace. Elles connurent affluence et succès. Les femmes sont extrêmement nombreuses à se plaindre de "mal de dos". Dans 90% des cas, les douleurs concernent la région lombaire, le bas de la colonne vertébrale qu'on appelle couramment "les reins". Le port de charges durant les travaux domestiques, les soins donnés aux enfants, obligent les femmes à se pencher souvent et les maux occasionnés peuvent s'installer. Pour certaines, professionnelles de la petite enfance, soignantes, employées à l'entretien, employées de bureau, des mouvements et gestes répétés au travail nuisent gravement à la santé du dos. Les kinésithérapeutes rappellent qu'une protection quotidienne est indispensable : adopter les postures adéquates pour respecter les trois courbures de la colonne vertébrale, prendre de bonnes habitudes pour renforcer ses muscles et entretenir sa mobilité. Certes, mais encore faut-il connaître ces "bonnes habitudes" avant de se trouver dans une des situations nécessitant une rééducation remboursée par la Sécurité Sociale. Les kinésithérapeutes de Kiné Prévention, exerçant par ailleurs en cabinet ou institution, multiplient les interventions pour les enseigner, y compris à celles qui souffrent des maux sans savoir les définir et les soigner. C'était le cas des femmes qui participèrent collectivement, avec enthousiasme et confiance, aux mouvements que les professionnelles leur proposèrent.

Comment vont les malades ?

Aurélie Musereau, coordinatrice à la Ligue contre le Cancer avait installé sa table orangée et ses documentations. Elle souhaitait écouter les besoins des femmes. La Ligue procède ainsi : pas de conseils thérapeutiques ni d'orientation vers tel ou tel service d'oncologie, mais aide aux personnes touchées par la maladie, du dépistage au suivi des multiples problèmes rencontrés. Les contacts lui ont permis de confirmer que les messages délivrés par les services de dépistage ne sont pas toujours compris, si les personnes qui les reçoivent ne possèdent pas le vocabulaire approprié, notamment parce qu'elles ne maîtrisent pas la langue française. Aurélie Musereau a recueilli les témoignages et offert sa documentation, dont l'excellent magazine destiné aux jeunes et leurs familles, Clap Santé. Elle rappelait que les femmes sont particulièrement touchées, outre par le cancer du sein, par le cancer colorectal, devant celui du col de l'utérus.

Les jeunes filles oubliées

Avenir Santé se préoccupe de la prévention des conduites à risques auprès des jeunes de 12 à 25 ans. Sa représentante ce jour-là, Madeline Leleu, fait partie des "veilleurs de soirée" qui vont à la rencontre du public dans les espaces publics, et surtout dans les clubs et boîtes qu'elles/ils fréquentent nuitamment. Elle parle alcool, drogues, sexe, violences. Presque exclusivement avec des garçons. Il est très rare, avoue-t-elle, qu'elle se rapproche de groupes de filles. Il y en a très peu, dit-elle. La plupart des jeunes filles sont intégrées dans des groupes mixtes qui ne semblent pas attirer l'attention de la veilleuse. Les garçons s'expriment, eux, sur l'homosexualité (plutôt négativement), sur leur vie sexuelle, sur leurs addictions. Les filles, dans l'espace public, jouent la discrétion. Comment font-elles pour sortir seule ou entre elles ? Difficile de les aider, également dans leur santé, en ne connaissant rien de leurs manières de faire ni de leurs besoins. Il fut navrant de constater que, pour cette association spécialisée aussi, la jeunesse ne semble exister qu'au genre masculin.

"Tu n'es pas seule"

L'application App'Elles créée et assidûment promue par Diarata N'Diaye, à l'origine de l'association RESONANTES, ne s'adresse pas qu'aux jeunes femmes, mais vise plus particulièrement les 15-30 ans. La militante et slameuse emploie un langage explicite et clair pour parler des violences faites aux femmes. Elle sait que la plupart des victimes sont jeunes, voire mineures, et que les troubles psychosomatiques qu'elles subissent sont lourds. Derrière sa banderole, Diarata N'Diaye était là pour recueillir les témoignages et dispenser des informations à celles qui le souhaitaient. Car des violences, on connaît rarement ce qu'elles impliquent comme conséquences, ni quelles réponses on peut leur opposer. Les visiteuses se sont succèdées sans temps mort. Peu savaient que Diarata N'Diaye venait l'avant veille de recevoir, des mains de la ministre Laurence Rossignol, le Prix national du comité de suivi du mouvement ministériel Sexisme Pas Notre Genre. 

Une pierre au chantier

Le stand du Planning Familial accueillit de nombreuses discussions. La sexualité et la procréation ont beau être des domaines qui concernent toutes les femmes, on a toujours quelque chose à apprendre ou échanger, que ce soit sur la contraception, les menstruations ou les enjeux politiques de la liberté sexuelle des femmes.

Tout l'après-midi, les participant.es ont pu déguster les crêpes et petits gâteaux confectionnés par les double dutcheuses de C'West. Elles demandaient une participation financière les aidant à prendre part à la compétition pour le Championnat de France. On peut toujours soutenir ces dynamiques sportives !

Le concert de clôture de la Brigade d'Intervention Vokale a fait découvrir des chants révolutionnaires et de travail du Monde. Le choeur de neuf chanteuses pleines de vigueur, au jeu de voix percutant et joyeux, a fait se terminer la journée en bal improvisé.

La CCF a demandé aux différentes intervenantes de lui communiquer leur compte-rendu de l'après-midi. Leurs témoignages et commentaires rejoindront les données recensées depuis 2014. Le collectif s'est en effet alors soudé autour d'un objectif : définir, rassembler, transmettre les besoins des femmes de Bellevue. En 2016, l'après-midi du 12 mars, "Envies, besoins d'espaces et de lieux ?" poursuivait déjà ce but.