On est aussi chez nous dehors !
Le 8 mars 2019 tombait un vendredi. Une journée qui sent la prise de liberté,
la joie d'échapper aux contraintes… Cette promesse rayonnait sur l'après-midi organisée par la Cité Côté Femmes, qui unissait des participantes détendues, contentes de se joindre aux ateliers joyeusement animés.
Les réjouissances marquant la Journée Internationale des droits des Femmes 2019 se déroulaient au CSC Bellevue. La spacieuse salle se colorait des banderoles aux couleurs de la Cafète conçues par Fani Mimoudi, qui coordonna la décoration du local avec des jeunes filles, les panneaux de l'exposition Bellevue et ses dames, réalisée par des Kaps (Koloc' A Projets Solidaires) en 2015 au fil de leur "vélo-café" avec Emulsion, de l'exposition "Les marches du collectif Belles Vues d'elles" , de la projection des diaporamas de nombreuses photographies sur le quartier qu'a réalisées Corinne Provost / Emulsion pour la Cité Côté Femmes, et de livres glanés à la médiathèque Lisa Bresner pour petites et grandes.
"Les femmes et l'espace public" serait le thème conducteur. Un sujet que toutes connaissent par la pratique, sur lequel toutes ont à dire, toutes ont des propositions et des souhaits à formuler. Dans le cadre de l'enquête que mène actuellement la CCF, des animatrices de Style Alpaga recueillaient des réponses à des questions déjà amorcées au long des ateliers dans les locaux de l'association.
Les femmes ne sont guère représentées sur l'espace public par les noms donnés aux artères, aux monuments, aux espaces verts : 100 noms féminins contre plus de 1 000 masculins à Nantes, environ 2% sur tout le territoire français. La Ville de Nantes a déjà entrepris de rattraper ce retard. Une longue tâche ! Justement, près de la place des Lauriers, l'érection de nouveaux bâtiments oblige à créer une nouvelle rue en prolongement de la rue Romain Rolland, la jonction s'opérant au n°1 de cette artère. Un nom de femme lui sera donné. Mais lequel ? La CCF a opéré une sélection de quelques uns, parmi lesquels les visiteuses étaient appelées à choisir. La liste des votes a été transmise à Nathalie Barré, des archives de Nantes, service Histoire et mémoires des quartiers, qui tenait le stand. Les choix des habitantes, qui ont pu les donner à la Cafète jusqu'à la fin du mois de mars, remonteront donc jusqu'aux instances de décision.
Un groupe d'adolescentes habituées du CSC Bellevue s'étaient invitées. Elles préparent pour l'été une grande aventure : une escapade en Espagne, en compagnie d'animatrices du Centre. Ce voyage demande évidemment un budget et elles ont entrepris de récolter elles-mêmes des fonds. Elles avaient confectionné des boissons chaudes et des pâtisseries. Elles proposaient un service au succès jamais démenti : des soins des mains, relaxation, pose de vernis. Participer à la réalisation de leur projet représentait en soi un vrai plaisir.
Il ne fallait pas oublier ce qui nous réunissait : les droits des femmes. Pour "réviser" le cheminement de leur évolution, rendez-vous au stand Quizz. Là, des questions à réponses multiples permettaient de se rendre compte des étapes parcourues. Les femmes s'étonnent toujours de la proximité des dates auxquelles des lois libératrices furent proclamées. Par exemple, qu'il fallut attendre 1965 pour qu'une femme puisse ouvrir son propre compte bancaire. La génération de leurs mères, de leurs grand-mères. Incroyable, mais véridique, et l'occasion de rendre hommage aux aînées qui ont lutté pour obtenir, enfin, ces avancées.
La troupe du Théâtre d'Ici ou d'Ailleurs relatait la vie et l'époque d'une de ces précurseuses : Louise Michel, évoquée sous le surnom Louises Coquelicots parce que cette fleur repousse la première sur les champs de bataille, parce que le rouge symbolise le combat incessant que mena la courageuse, au pluriel pour souligner qu'il engendra beaucoup d'autres Louises déterminées.
Louise Michel reste célèbre comme héroïne de la Commune de Paris en 1871, déportée en Nouvelle-Calédonie. Elle fut aussi une "bâtarde", née et élevée en Haute-Marne, dans le château où sa servante de mère était aux ordres de son châtelain de géniteur, et où elle reçut une éducation libérale rarement donnée aux filles. À Paris, elle devint une enseignante passionnée et moderniste. Elle poursuivit sa mission éducatrice en Nouvelle-Calédonie, en instruisant les Kanaks et en s'intéressant à leurs langues. Anarchiste, elle se lia avec les milieux révolutionnaires, exerça des activités de journaliste et de conférencière, accéda à une popularité enthousiaste.
« Notre place dans l’humanité ne doit pas être mendiée, mais prise. » affirmait Louise Michel. Louises Coquelicots fait justement sentir sa combativité, son exigence, sa radicalité, son don de soi à ses idées, à une époque où la société refuse strictement aux femmes la prise de parole et la liberté dans ou hors le cadre de la famille ou du mariage.
Le spectacle dynamique, drôle et poignant, a captivé l'attention des spectatrices et des quelques spectateurs. Il a aussi réveillé la mémoire des aînées auxquelles les discriminations et les luttes rappelaient des souvenirs. Elles les ont contés durant le débat qui a suivi aux plus jeunes. Ces dernières ne s'en sont pas étonnées, tant les traces du passé restent visibles, tant elles ont elles-mêmes à pâtir des injustices et des clichés. Louises Coquelicots donne envie de témoigner, d'écouter, de s'ouvrir, de se battre. Ce n'est pas la moindre de ses qualités.