Les contrats aidés, c'est mieux que rien
Parmi les manifestant.es du jeudi 21 septembre à Nantes, la plupart n'ont jamais apprécié les contrats aidés, précaires, sous-payés, répondant mal aux besoins
de formation... Elles et ils auraient voulu qu'on les améliore, les développe, les ouvre. Qu'on les supprime, certainement pas ! Les mesures imposées par le gouvernement vont laisser des milliers de personnes dans le besoin et la détresse.
La coupe brutale dans les contrats aidés pénalise lourdement celles et ceux qui en bénéficiaient ou auraient pu en bénéficier, les exclu.es du travail qui y trouvaient la possibilité d'un (nouveau) départ professionnel, les jeunes en manque de formation. Majoritairement des femmes, puisqu'elles sont nombreuses dans les secteurs principalement touchés : arts et spectacles, loisirs et sport, et action sociale, un secteur extrêmement féminisé. La coupe freine les employeuses et employeurs à petit budget, associatifs ou non, qui ne pourront plus mener à bien leur projet, dont le profit n'est pas l'ambition. Conséquences pour le public : moins de services, ou de moins bonne qualité, moins d'offres culturelles, moins de lien social. Une société triste où l'utilité se mesure aux gains apportés par la production aux investisseurs. Pas du tout ce que les manifestant.es souhaitent pour leur avenir et celui des générations à venir.
L'association Les amis de Jordan
Elle gère la crèche multi-accueil La maison de Jordan.
Sur les trente-quatre emplois de la crèche, huit sont des emplois aidés. Un a été supprimé en septembre, ce qui a créé une urgence chez nous car on l'a appris en août. Nous attendons la
réponse pour le renouvellement de deux autres début 2018. Chez nous, les puéricultrices sont formées, accompagnées, elles sortent avec un CAP et souvent avec un poste chez nous ou dans une autre
crèche. Pour nous, ces emplois aidés représentent la possibilité d'embaucher plus d'adultes que ce que les décrets nous imposent. Ça nous permet de former un pôle de remplaçantes en cas d'absence
d'une encadrante. Les enfants les connaissent, elles/ils ne sont pas déstabilisé.es. Ces personnes supplémentaires améliorent la qualité d'accueil des enfants et de leurs parents. Si du personnel
est supprimé, la qualité baisse, on ne peut plus suivre notre projet, ou alors on ne boucle pas notre budget. On a plein d'idées, plein d'envies, mais... On sait que les CUI-CAE, c'est mort. Pour
les emplois avenir, on attend. Vers qui se tourner ? La Ville de Nantes est notre partenaire, on sait que la maire s'est mobilisée sur le problème... Mais les personnes qu'on rencontre n'ont pas
de réponse non plus. D'autres crèches se mobilisent, peut-être va-t-il se créer un mouvement à part ?
Marie, en contrat aidé jusqu'en décembre 2017
Actuellement, je travaille dans un institut médico-éducatif. J'ai un contrat de dix mois renouvelable. L'institut est prêt à me prolonger de quatorze mois, mais ne peut pas anticiper ni prendre d'engagement. Je suis très inquiète. J'ai moi-même un handicap. J'ai été au chômage pendant sept ans, à enchaîner les formations, les emploi aidés... J'ai beaucoup souffert. C'est affreux, les entretiens d'embauche, on vous prend pour de la merde ! Où je suis, je me sens bien, j'adore mon travail. Le chômage, c'est pas si simple. Ça n'est pas un bon calcul de mettre tout sur le dos des chômeurs. Je veux faire entendre ma voix. J'ai deux solutions : soit aller jusqu'au bout de ma lutte, soit ça sera une mort symbolique. Le chômage, c'est une petite mort.
Sabine, travaille "dans la santé"
Il y a déjà énormément de précarité. Les emplois aidés, je trouvais déjà précaires, mais faudrait les remplacer par des emplois durables et financés. la plupart des emplois aidés étaient faits pas des municipalités, ils n'ont pas transformé ça en emplois, il y a déjà une énorme part de responsabilité de nos élus. Je suis sensibilisée par rapport aux Atsem (agent.es territoriaux) dans les écoles, des gens qui sont déjà dans la précarité, parce que les salaires, c'est pas super. C'est inquiétant, le manque de solidarité dans la société.
Que souhaiterait-elle ?
Des emplois réels, avec des salaires raisonnables ! L'aspect formation dans les contrats aidés n'est pas rempli. La formation avant l'emploi, la formation pendant l'emploi, on voit bien qu'il y a beaucoup de choses à faire à ce niveau là. La plupart des gens en plus ont choisi leur voie. Là, il y en a pas mal qui sont sur le carreau à la rentrée. C'est la fin de tout ce qui est entraide. On va transformer ça en du bénévolat.
Pense-t-elle qu'il y a beaucoup de femmes dans les contrats aidés ?
Les emplois précaires, ce sont en général les femmes qui les occupent. Je n'ai pas chiffres là-dessus mais j'imagine qu'il y a une majorité des femmes. Il faudrait créer une nouvelle société, faire des trocs d'actions pour avoir de la vie dans nos communes, imaginer une autre forme d'entraide et de vie. Mais ça paraît mal parti.
On pourrait vivre avec de l'entraide ?
Oui. Et ça marche très bien. Il n'y a a qu'à regarder l'exemple de Notre-Dame des Landes, ça marche très, très bien. Ce sont des échanges, plus besoin de monnaie. Je ne sais pas si à grande échelle, ça marche aussi bien, mais... Il faut une volonté pour ça.
Débat entre militantes
Christine : On n'en veut pas, des emplois précaires. Ce qu'on veut, c'est que les gens soient soit en emploi, soit en formation. Là, on met les associations dans la merde, et les gens aussi.
C'est d'un cynisme !
Corinne : On y voit clairement que ça se passe dans des milieux très genrés. Les soins aux personnes, les associations...
Christine : Et puis, tu n'auras pas que ça. Tu auras la retraite, ça va creuser encore plus les écarts, quand ils vont s'attaquer aux retraites, on aura intérêt à être bien mobilisé.es. Mais
il va peut-être se passer des choses avant ! J'espère. C'est facile pour eux d'avoir des discours qui paraissent d'une telle évidence, alors que nous, on ne comprend rien.
Corinne : Nous, on n'a jamais trouvé que c'était du pain bénit, ces contrats aidés. Mais c'est pas pour autant qu'on va les retirer brutalement.
Christine : Il y avait sans doute des municipalités qui n'avaient pas besoin d'un emploi aidé. Mais c'est pas ça qu'ils disent ! Ils savent très bien que dans beaucoup d'endroits, ça mettra la pagaille, ils s'en foutent.
Corinne : Il y a même des structures où un volet d'emplois aidés ne bénéficie pas de la formation qui va avec.
Christine : C'est ce qu'ils disent : il y a plein de gens qui ne bénéficient pas de la formation, il faut que ça change... Oui, mais pas comme ça ! Quand on entend qu'un retraité qui touche 1 200 € est un retraité "aisé", tu vois tout de suit où se situe le niveau.
1 200, c'est mieux que 800... Mais oser dire que c'est "aisé" !
Corinne : Par contre, ils ne voulaient pas lâcher que 4 000 €, c'était quand même un bon revenu ! Ce que j'aime bien, qui j'espère va se développer, c'est les initiatives qui amènent avec la lutte des choses positives, des choses plaisantes, qui font que les gens se rencontrent...
Michèle, enseignante
Dans l'Éducation Nationale, on a besoin des contrats aidés. Il y a des surveillant.es, il y a des intervenant.es... Je trouve dommage en plus que des jeunes qui ont besoin de s'insérer ne
puissent pas s'insérer au travers de ces contrats. Ça nous met dans la difficulté, carrément, puisqu'on a vue qu'il y a des écoles qui n'ont pas pu ouvrir, faute de contrats aidés. C'était un
moindre mal pour l'emploi des jeunes, des jeunes ou des moins jeunes d'ailleurs. Des femmes, qui après s'être arrêtées des années et des années pour élever leurs enfants peinent à retrouver du
travail. Qu'est-ce qu'ils proposent à la place ? Si tu me poses la question, je ne vais pas pouvoir te répondre. Les vrais emplois, c'est ce qu'il y a de mieux. Encore faut-il les créer, allouer
un autre budget à l'Éducation Nationale, etc,etc. Certaines associations vont se voir leurs subventions coupées.Oui, il faut réagir, il faut faire quelque chose.