Jeudi, c'est coiffeuse
Les jeudis matins, les femmes attendent Françoise avec impatience.
Elle soigne depuis trois ans et demi leurs cheveux, donc leur image, donc leur moral.
"Au début, on prenait des rendez-vous. Mais j'étais surbookée. Quelquefois, il n'y avait pas de rendez-vous disponible avant deux mois. Pas terrible ! Depuis septembre, les femmes doivent s'inscrire dès l'ouverture, à 11 h. Je prends cinq personnes... plus s'il me reste du temps." Cela va dépendre de ce qu'on lui demande : s'il y a beaucoup de couleurs, le temps file vite. Françoise exécute ce que les femmes lui demandent, sauf les permanentes et les défrisages, trop chronophages. Pour obtenir des mèches, il faut que la femme apporte son produit : "C'est difficile d'en obtenir par les collectes. J'en ai demandé mais on m'a dit que ce n'était pas essentiel. Moi je trouve que si. Se voir bien coiffée, c'est essentiel pour le moral."
Jusqu'à 16 h, Françoise shampouine, coupe, met en plis, coiffe, brushe quasiment sans relâche. "Quand je sors d'ici, je suis vidée. Ce n'est pas le travail en soi qui me fatigue, mais écouter, écouter, écouter." Dans l'intimité de son petit cabinet côté vestiaire, le même qui sert d'autres jours à la psychologue ou à l'avocate, les femmes se confient parfois. Ce matin-là, une Iranienne lui a raconté sa vie, très dure. "Il faut écouter vraiment. Participer à tout ça. Parfois c'est lourd." Il arrive aussi que des femmes en détresse psychologique "pètent un câble". Là, Françoise, "l'estomac noué", doit garder son calme en attendant la fin de l'orage.
"J'aime bien venir, dit-elle, ça me tient à cœur." Elle se compte au nombre des "piliers" du Lieu, avec Claude et Annick, arrivées à la même époque. "Je me sens chez moi, ici. J'ai besoin de venir. Les femmes nous apportent autant qu'on leur apporte. C'est un partage."