À table
Petit-déjeuner, déjeuner, goûter : trois moments de la journée
très animés au Lieu d'accueil. Attendus avec impatience et savourés
avec enthousiasme.
Manger est une activité primordiale au Lieu d’accueil. Pour les femmes à la rue, comme pour celles qui survivent avec une maigre pension ou retraite, c’est l’occasion, pas toujours quotidienne, de prendre un repas copieux et équilibré, de manger des légumes et surtout des fruits, dont le panier se vide rapidement. Beaucoup ont perdu l’habitude de cuisiner ; elles n’en ont plus les moyens financiers ou matériels ; elles sont seules et n’en ont plus le goût. Au Lieu, elles partagent ce moment de plaisir, sans modération. Celles qui se servent très abondamment ne s’en cachent pas, elles en font un sujet de plaisanterie. Ici, veiller à sa ligne ou respecter de saines règles alimentaires n’est pas de mise. Pas idéal lorsqu’on a déjà une santé précaire, et des solutions limitées pour y remédier – certes, mais manger, et en compagnie, réconforte.
À la cuisine, les bénévoles s’activent dès 11 h, à l’ouverture, où elles disposent le petit-déjeuner sur une table en libre service. Il y a du pain, du beurre, des confitures, des fruits, des yaourts, du thé, du café, des jus de fruits. Tous les produits proviennent de dons, collectes ou invendus de la grande distribution. Pour le déjeuner, les bénévoles puisent dans un réfrigérateur bien rempli pour préparer des entrées. Vers midi, arrive le camion apportant des plats chauds, cédés par une grosse entreprise de restauration collective. Il reste peu de temps aux bénévoles pour préparer avant de lancer le service. Les tables numérotées sont appelées à tour de rôle, par tirage au sort. Chacune, sa place dûment retenue, se dirige munie d’un plateau vers la cuisine, où elle composera son menu, qui lui sera servi par les bénévoles.
Le Lieu ne manque jamais de nourriture. Par contre, il manque de place. Force a été de réglementer l’accès au déjeuner : les sans logement peuvent y venir les trois jours d’ouverture, les autres, un jour sur trois. Une règle pas toujours bien comprise ni admise, que certaines habituées tentent de feinter. Les bénévoles ont trouvé une parade : celles qui n’ont pas pu déjeuner puiseront dans les restes au moment du goûter. Annoncée à 15h, accueillie avec enthousiasme, cette collation comprend presque systématiquement un monceau de chouquettes. Il restera aux bénévoles une petite demi-heure pour ranger et nettoyer la cuisine. La vaisselle a déjà été faite, puisque chaque femme accueillie doit laver son couvert. La cuisine est petite, le coin évier, étroit. On se bouscule un peu dans ce lieu exigu. Mais somme toute, ça marche.