Femmes au travail : 3 pas en avant, 2 pas en arrière
C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. Dès qu'elle cesse d'être une parasite, le système fondé sur sa dépendance s'écroule ; entre elle et l’univers il n’est plus besoin d’un médiateur masculin.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, 1949
Décrire, montrer le travail des femmes réhabilite, le temps d’une exposition, la moitié de la population active, trop souvent invisible, méconnue, sous-évaluée. Cela éclaire d’autre part des dysfonctionnements du monde du travail, et surtout la fabrique des rapports économiques et sociaux de domination, et les inégalités des sexes dans nos sociétés. Le travail, production de richesses, de services, de liens sociaux et d’autonomie, est le cœur névralgique de la construction et de la durabilité des sociétés. Il est tout aussi nécessaire, moteur, vital aux individu.es, quel que soit leur sexe. L’égalité d’accès à l’emploi et à l’exercice professionnel représente un enjeu d’intégrité sociale et de pleins droits. L’histoire de nos sociétés s’inscrit bien dans cette dialectique et ces tensions à travers l’histoire des femmes au travail.
Les femmes ont toujours travaillé, à la terre, dans les ateliers, dans les commerces, dans les maisons... Sans qu’on le prît en considération, car leurs compétences étaient censées relever de leurs talents « naturels », leur mobilisation et le don de leur temps, de leur devoir. Par ce déni, leur création de richesses économiques et sociales passait inaperçue dans une société se construisant sur des rapports sociaux de domination de sexe et de genre. Plus leur travail demeurait invisible, moins elles semblaient agir, plus la société patriarcale se satisfaisait de les voir garder le rang qu’elle leur avait attribué.
Pourtant, si les femmes n’accomplissaient pas leurs tâches quotidiennes, où que ce soit, rien ne fonctionnerait dans le monde. Disposer personnellement de leur salaire, leur droit conquis théoriquement depuis 1907, leur a permis d’accéder progressivement à l’autonomie financière, étape indispensable vers l’autonomie toute entière. Pourtant, dans le monde du travail, elles demeurent aujourd’hui encore largement subalternes. Les filles brillent à l’école et dans les études, et se voient néanmoins proposer peu d’emplois à la hauteur de leurs diplômes. Elles accèdent rarement aux postes de décision. Leurs salaires restent systématiquement inférieurs à ceux de leurs homologues masculins, comme le seront leurs retraites. Ces vingt dernières années, l’écart s’est creusé entre les femmes elles-mêmes. D’un côté l’accès pour quelques unes à des postes de direction et à l’opposé, la forte proportion de celles auxquelles échoit la grosse majorité des emplois précaires. Mi-temps plutôt subis que choisis, bas salaires, horaires morcelés et travail du dimanche sont des classiques du secteur des services où les femmes abondent. Leur santé pâtit des conditions de travail et des expositions aux risques professionnels des emplois qu’on leur réserve. De plus, elles prennent toujours en charge les tâches domestiques et familiales, et portent la tension qu’en occasionne la gestion. Il est en outre avéré que les violences sexistes et sexuelles auxquelles elles sont exposées toute leur vie en tant que femmes sont des atteintes à leur intégrité qui impactent leur vie et parcours professionnels.
Les stéréotypes ont la vie dure. Sans eux, les discriminations envers les femmes au travail auraient reculé devant les lois qui les qualifient de délits et ordonnent de les punir. Ces lois engagent les employeurs. Pour les faire respecter, des moyens s’imposent. Des femmes en lutte, des syndicalistes les défendent et se battent pour leur application. La dénonciation des inégalités et des violences faites aux femmes sort de l’ombre. Le combat avance lié à celui des droits des femmes. Encore trop lentement, mais inéluctablement.
Il en va de l’évolution de nos sociétés, de l’avenir de toutes et tous au travail et dans la vie.
L’exposition Femmes au travail : 3 pas en avant, 2 pas en arrière (titre emprunté au sociologue Philippe Alonzo) rassemble des textes thématiques exposant des analyses de faits, des chiffres issus d’études sexuées qui les confirment, et des photographies de femmes dans l’exercice de leurs activités professionnelles et sociales depuis 25 ans. Elle propose d’approcher une réalité et une histoire contemporaine du monde du travail.