Pour en finir avec les clichés
Le féminisme se propage-t-il par le dialogue ainsi que par l’exemple ? Diana Vivarelli en reste persuadée. Et elle met cette conviction en pratique, dans ses ateliers comme dans ses spectacles.
Diana Vivarelli, auteure dramatique, metteure en scène, comédienne, réalisatrice, se définit sans ambages comme féministe : « Cela transparaît dans tout mon travail ». Dans ses textes, elle propose des modèles différents de ceux communément représentés au théâtre, comme dans la littérature ou le cinéma. Des femmes actrices de leur vie, qui réagissent et agissent. « Ça passe par les situations, pas par le discours », précise-t-elle. Certes, elle dénonce, mais elle ne victimise pas. Son objectif : montrer qu’ « autre chose est possible. On n’est pas obligées de suivre les modèles dominants. ».
Dans les sketches d’Un pavé dans la mare ou dans le vaudeville "Temps variable aléatoire, vaudeville antisexiste", Diana Vivarelli s’amuse à inverser les rôles considérés comme traditionnels au sein d’un couple : les femmes deviennent moteur du changement. Comment réagit le public ? « Ça dépend de la composition de la salle, raconte-t-elle. S’il y a une majorité de femmes, on entend les rires fuser. Ça les réjouit de voir exposées des situations qui existent, qu’elles connaissent, mais dont on ne parle jamais. Elles sont aussi plus ouvertes à des situations nouvelles. Avec une majorité d’hommes dans la salle, elles adhèrent moins spontanément. Des hommes ont parfois des réactions d’agacement ou de rejet audibles. Ça pèse sur l’ambiance.»
De la nuisance des rapports de force
Cette question du poids du nombre préoccupe Diana Vivarelli. Sa pièce Explosion, une bombe nous attendait à la gare (Prix Beaumarchais-SACD 2010, publié aux éditions de l’Amandier), récit autobiographique et engagé de l’attentat à la gare de Bologne dont elle fut une des victimes, nous replonge dans les années 1980. « A cette époque, se souvient l’auteure, il y avait un mouvement féministe fort. D’accord ou pas, les hommes ne se permettaient pas de remettre en question notre discours. Aujourd’hui, les mêmes, dans les mêmes milieux militants, ne se gênent plus ! Parce que le mouvement féministe ne se fait plus assez entendre. »
Diana Vivarelli subit les conséquences de ce renversement des forces dans son travail de metteure en scène. Le milieu des techniciens du spectacle étant très masculin, on n’y reçoit pas toujours une femme maîtresse d’œuvre avec le respect de rigueur. Pas toujours facile de faire accepter ses prérogatives et exécuter ses consignes. Au point qu’il lui arrive de céder du terrain pour éviter le conflit, voire de se choisir dans la troupe un intermédiaire masculin. « Cela me coûte beaucoup. C’est une difficulté supplémentaire qui ne m’apporte rien. On paie ça avec notre temps et notre fatigue. Dès que je le peux, j’embauche des techniciennes. Là, on travaille tranquillement. Mais elles sont rares. »
A ces rapports de force stériles, Diana Vivarelli préfère de beaucoup la douceur du tournage de ses docu-fictions. Elle y invitait des femmes à se raconter, et leurs récits servaient de base à des débats sur les droits des femmes. « Ça amène du bonheur. Si on en faisait plus souvent, on se sentirait plus fortes. Les débats mixtes sont intéressants aussi, mais plus difficiles à mener. »
Mixité à tous les étages
Les expériences irritantes n’ont pas épuisé l’optimisme de Diana Vivarelli. Elle croit à la puissance de la pédagogie. Elle l’a éprouvée dans les ateliers d’écriture qu’elle anime, comme au sein de la compagnie Azimut, qu’elle dirige à Nantes. « A la base du sexisme, il y a beaucoup d’ignorance, d’habitudes difficiles à changer. Les gens ne se rendent pas compte. » La chasse aux clichés oblige à une vigilance sans relâche. Pour Diana Vivarelli, « savoir amener des thèmes qui obligent à réfléchir » fait partie des responsabilités qui lui incombent. « Tout le monde est d’accord pour condamner les discriminations. Si l’on fait comprendre que les inégalités femmes/hommes sont une discrimination, tout le monde tombe d’accord aussi. » Celles et ceux qui, dubitatifs, s’exclamaient « j’avais pas pensé », deviennent sensibles, puis allergiques aux remarques et aux blagues prétendument anodines qui soutiennent le sexisme ordinaire.
Comme user d’une langue simple au service de sujets complexes, ouvrir ses ateliers aux personnes de tous sexes, tous âges et toutes origines, fait partie de l’engagement citoyen de Diana Vivarelli. Mais avant tout, elle considère cette mixité comme un enrichissement. La compagnie Azimut mêle professionnel.les et amateur.es. Les un.es apportent leur maîtrise technique, les autres, leur spontanéité. Diana Vivarelli estime que cela ajoute de la subtilité à ses spectacles. Bien sûr, « l’intégration de toutes et tous, c’est un travail ! ». Autrement dit, un défi. Ça tombe bien : elle n’est pas femme à refuser les défis.