La prostitution décorporalise ses victimes

Non, la prostitution n'est pas une profession. C'est une violence. Elle produit sur ses victimes des ravages physiques et psychiques. La docteure Judith Trinquart les a expliqués dans une conférence argumentée et bouleversante.

Le 7 décembre, le Mouvement du Nid organisait une conférence de la docteure Judith Trinquart, légiste, spécialiste depuis vingt ans des violences faites aux femmes et de la prostitution, secrétaire générale de l'association Mémoire traumatique et victimologie : "Prostitution, conséquences psychologiques et physiques". Le public majoritairement jeune, beaucoup d'étudiant·es, n'avait pas profondément réfléchi à la prostitution. Les propos fermes et étayés de Judith Trinquart furent cependant suivis avec une extrême attention. La prostitution n'est pas une profession mais une violence, affirmait-elle. Elle n'a rien à voir avec la sexualité, qui se base sur l'échange, mais reste un rapport marchand. La répétition des actes sexuels subis entraîne une décorporalisation : la victime se met à distance de son propre corps, scinde son image corporelle en deux parties, la personne privée et la personne prostituée. Cela lui permet de survivre aux violences. Cette anesthésie les entraîne à traiter trop tardivement leurs maux, à tomber dans des addictions (drogue, alcool), à subir durant des années les effets du stress post-traumatique... La santé se détériore et les conséquences, physiques et psychiques, de la prostitution laissent des traces graves et durables. L'âge moyen de l'entrée en prostitution se situe à 14 ans, l'espérance de vie à 40 ans.

Les proxénètes savent reconnaître les personnes déjà affaiblies, déjà conditionnées, qu'il leur sera plus facile de réduire en esclavage : 80% à 95%, selon les sources, de personnes prostituées ont subi des violences sexuelles avant leur entrée en prostitution, inceste, pédophilie, viols, excision. La décorporalisation est déjà en train, elles ne deviennent pas des victimes, elles le sont. 98% déclarent souhaiter sortir de la prostitution. Pour pouvoir les y aider, il faut que la prostitution et le système prostitutionnel soient dénoncés comme la violence qu'ils sont et non tolérés comme nécessaires au fonctionnement réglementé de la société.

 

Pour en savoir plus :

Entretien avec Claudine Legardinier dans Prostitution et société, l'organe du Mouvement du Nid.

Thèse de Judith Trinquart