Violences sexuelles : informer les plus jeunes
Diariata N'Diaye présentait le 11 février, à la Cité des Congrès à Nantes,le site web Résonantes, plateforme multimédia d'information et
de sensibilisation des 15-30 ans sur les violences faites aux femmes. À ses côtés, la psychiatre Muriel Salmona expliquait pourquoi il est primordial d'informer les jeunes
filles sur les violences.
Slameuse, Diariata N'Diaye racontait dans ses textes ce qu'elle connaissait, soit ce qu'elle observait dans son quartier. Elle n'a compris qu'elle était engagée que lorsqu'on le lui a fait remarquer. À présent, elle milite, notamment avec l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-saint-Denis fondé par Ernestine Ronai, anime des ateliers slam où elle fait sortir la parole des jeunes. C'est à elles, et eux, qu'elle s'adresse prioritairement avec Résonantes.
Aux côtés de Diariata N'Diaye et Muriel Salmona, Anne-Cécile Mailfert, présidente de la nouvellement créée Fondation des Femmes, qui se donne pour mission de "lever des fonds pour développer et soutenir les actions en faveur des droits des femmes".
Les mineures à l'abandon
Sur la plateforme, on trouve bien sûr les coordonnées de structures où les victimes peuvent trouver du soutien. Mais avant, des informations sur les violences : leur définition, leurs conséquences. Dans un langage clair, explicite, accessible à toutes, quel que soit leur âge. Diariata N'Diaye a obtenu la collaboration de Muriel Salmona, psychiatre, fondatrice en 2009 de l'association Mémoire traumatique et victimologie, dont les recherches et les interventions documentent les conséquences psychosomatiques des violences, luttent contre la méconnaissance et le déni, interpellent les pouvoirs publics et réclament une prise en charge à la hauteur des dommages causés.
Muriel Salmona souligne que l'information sur les violences faites aux femmes reste dirigée vers les femmes adultes, alors que "il y a beaucoup plus de mineures que de majeures qui subissent des viols. On parle de quatre-vingt-quatre mille viols par an pour les femmes adultes. Or, c'est au moins cent vingt-cinq mille filles et trente mille garçons qui en subissent. 83 % des victimes disent ne jamais avoir été reconnues ni protégées. Plus les violences ont lieu tôt, plus l'impact est durable." Mais non inguérissable, ajoute la psychiatre : "La prise en charge, ça marche. On peut sortir les personnes de troubles psychosomatiques très lourds. Mais pour cela, il faut que chacun.e puisse reconnaître ses symptômes et lutter contre une société qui va stigmatiser, étiqueter, être dans le déni - la loi du silence - renvoyer aux victimes qu’elles n’ont pas subi des violences - c’est la culture de la violence - ou alors elles les ont provoquées, elles sont responsables, elles voulaient ça. Les réactions ne sont absolument pas liées aux personnes mais aux violences qu’elles ont subies. Or les conséquences sont renvoyées aux victimes. On disqualifie leurs paroles, ou pour les mettre en cause, ou pour dire qu’elles ont des troubles du comportement, des troubles de conduite."
Qu'est-ce que la mémoire traumatique ?
Des troubles, les victimes en subissent après des violences sexuelles, forcément. C'est "normal", insiste Muriel Salmona. Mais, l'ignorant, elles se culpabilisent, et se taisent. "Quand on est confronté à des violences impensables, on se retrouve avec un stress tellement extrême qu’on pourrait mourir de stress. Pour pouvoir échapper à des atteintes cardiovasculaires et neurologiques, le cerveau disjoncte, comme un circuit électrique. Ça donne à la victime l’impression d’être étrangère, spectatrice de l’événement. Déconnectée de ses émotions. Cette dissociation fait que personne ne va pas s’inquiéter de la victime parce qu’elle donne l’impression de ne pas aller si mal, de ne rien en avoir à faire de ce qu’on lui a fait. La création d’une mémoire émotionnelle non intégrée par le cerveau est une bombe à retardement qui va s’allumer et va faire revivre à l’identique les pires moments, avec des attaques de panique. Ça, c’est ce qu’on appelle la mémoire traumatique."
Le savoir chasse l'impression qu'on dysfonctionne. "On peut se dire qu’on a droit à des soins, et que les violences n’entraînent pas seulement un impact psychologique mais un impact neurologique – et tout ça, ça se soigne et on récupère. Ça peut sauver des vies, car les victimes peuvent avoir envie de mourir."