Sofia Sadi, animatrice
Bricoleuse dans l'âme
Elle a toujours aimé « regarder les autres et apprendre », encouragée par sa mère qui prônait le savoir-faire comme un garant d’indépendance.Sofia Sadi dépanne et initie maintenant celles et ceux qui se servent avec moins d'aisance qu'elle de leurs mains.
Elle est née à Alger et y a grandi. « J’ai émigré très, très tard. Ça fait seulement sept ans que je suis sur le territoire français. » Attirée par « tout ce qui était manuel », Sofia Sadi était surnommée par ses proches Mademoiselle ciseaux : « Je ne pouvais pas mettre un vêtement sans le transformer ». Elle a suivi une formation technique. Après son bac en fabrication mécanique, elle était « dédiée à un ingéniorat de mécanique assistée par ordinateur ». Mais elle s’est dirigée vers l’informatique, « où je n’ai pas abouti non plus », puis vers la communication, « et là, ça m’a plu ». Elle a travaillé dans la « petite boîte de communication familiale » avec plaisir et toujours en Algérie, a été agente immobilier. « En France, j’ai d’abord fait des petits boulots. Puis j’ai découvert le métier d’animatrice. Je me suis dit : ça, c’est fait pour moi. »
Féminisme contre la terreur
« J’avoue que je suis un peu changeante, commente Sofia Sadi. Ayant grandi dans un pays où j’ai beaucoup été frustrée, je veux faire tout ce que je n’ai pas pu faire. » Frustrée car, de culture francophone, sa famille « était plus ouverte que la majorité de la population du pays. On était montré du doigt. »Son adolescence correspond avec la montée du terrorisme. Après son bac, elle rejoint une association féministe et un parti socialiste. « La première bataille à laquelle j’ai participé, c’était pour changer le Code de la famille. » Des modifications y seront apportées en 2005, pas entièrement satisfaisantes, mais marquant une avancée dans la reconnaissance des droits des femmes. La « décennie noire » venait alors de s’achever. Au début des années 1990, quand le FIS (Front islamique du salut) avait commencé à semer la terreur, les féministes étaient retournées dans la clandestinité. Cependant, précise Sofia Sadi, « malgré le FIS, ça a continué à avancer. » Au prix de l’assassinat en pleine rue de femmes, dont certaines l’avaient initiée à la lutte.
« Rouler en vélo, ça rend heureuse ! »Son énergie revigorante n’a pas quitté Sofia Sadi ; elle joue toujours au bénéfice des autres. En 2016, elle a fait le choix de réduire ses heures de travail en périscolaire, au profit de ses engagements bénévoles. Elle assiste le chef du restaurant social ouvert par Les Eaux Vives et accueille les exclu.es à la halte de nuit tenue par la même association. Et tous les mercredis, elle assure une permanence à l’association Transformeurs.Spécialisée dans le recyclage artistique, Transformeurs ouvre aussi son atelier dans le quartier Bellevue à celles et ceux qui ont besoin d’un coup de main pour réparer un appareil de petit électro-ménager, et surtout un vélo. Sofia Sadi, cyclophile assidue, a suivi une formation de deux jours à Vélocampus afin d’acquérir les compétences nécessaires. Elle accueille un public de tous âges – mais hélas pas de tous sexes. Le mercredi, elle ne voit quasiment que des garçons, et parfois une fille ou une sœur de. « Il faudrait que je sois présente plus souvent, et aussi d’autres femmes. Il faut que je trouve des idées ! »On ne rencontre guère de jeunes filles en vélo dans Bellevue. Et pourtant, « ça leur apporterait plus d’assurance, plus d’autonomie. Elles ont le droit ! J’ai envie de leur dire : intéressez-vous à d’autres choses qu’au superficiel. » Le vélo serait-il un sujet profond ? « Moi, sur mon vélo, je me sens super heureuse, plaide Sofia Sadi. » Au point qu’elle mijote actuellement un projet professionnel où la bicyclette jouera un rôle central : affréter un triporteur dont le coffre contiendra ses outils et proposer au public petites réparations et bricolage en tout genre.