Vanessa Renaud, photographe
De la provoc’ au message
Passionnée de photo depuis son enfance, Vanessa Renaud s’est d’abord tournée vers la recherche artistique. Avant de mettre son savoir professionnel et son imagination au service de ses convictions.
Elle reçoit son premier appareil pour son quinzième anniversaire. Et très vite, la photo s’impose comme son moyen d’expression privilégié, celui « qui revient tout le temps ». Donc, va pour la photo !
Son BTS en communication en poche, Vanessa Renaud fait double usage de son appareil : la prestation de services et en off, l’expression artistique. « J’aimais les univers délabrés. Je faisais poser mes copines habillées en punks. Le côté rock’n roll, quoi ! C’était plus de la provoc’. Je ne cherchais pas encore à délivrer un message. »
Anarchie vaincra !
Ce goût de la mise-en-scène dans des univers insolites restera une constante dans son travail photographique. Comme en témoigne l’exposition qu’elle finalise actuellement : dix tableaux bibliques réinterprétés, campés dans le décor des anciens abattoirs de Rezé – toujours avec la complicité des copains/copines et de sa famille. Peu de légendes : « Je fais juste passer quelques mots en filigrane. Je veux laisser les gens interpréter eux-mêmes, donner libre cours à leur imagination. »
Vanessa Renaud sait, bien sûr, les thématiques qu’elle a voulu traiter : les médias, l’éducation, le travail, la militarisation, l’égalitéE... « J’aborde plusieurs sujets dans une seule photo. », explique-t-elle. Elle a réfléchi à des supports transportables, et opté pour l’impression sur bâches. Elle veut diffuser l’expo dans des lieux où on ne l’attendrait pas, pas forcément homologués pour. Une démarche militante au service de la culture pour toutes et tous, qui lui est venue avec le temps...
Le goût du collectif
Elle a 20 ans quand elle intègre une équipe de cinq Nantais-es, lauréate DÉFI jeunes, et part pour l’Amérique latine. Une délégation de jeunes européen-nes et latino-Américain-es rend visite à des écoles professionnelles rurales afin d’approfondir les échanges Nord-Sud, et surtout inciter l’Europe à renouveler ses subventions auprès de la Casa del sol. Ce centre accueille des enfants réfugiés de Nebaj, dernière région résistante dans la guerre civile qui ravagea le Guatemala de 1960 à 1996. Ils y sont logés, nourris, et fréquentent l’école professionnelle située juste à coté afin d’apprendre un métier. Vanessa Renaud assure le suivi photographique. L’aventure lui donnera l’envie d’autres « voyages utiles ».
De retour à Nantes, elle partage un appartement avec Cécile Gravouil, graphiste et Nathalie Labourguigne, plasticienne. Les trois colocs ne trouvent pas leur place dans les associations locales. Aussi, en septembre 2003, décident-elles de fonder leur propre structure : Kromozom. « Nathalie a trouvé le nom. On avait chacune notre spécificité, un savoir-faire différent, c’est l’idée du chromosome – avec un K pour une graphie plus dynamique. » Bientôt rejointe par Coralie Lepeq à la trésorerie, l’association propose des rencontres autour de la création, soirées, animations de quartier, expos photo... « Avec des bouts de ficelle ! On est restées dans le local, des choses très simples. On s’est beaucoup investies mais on envisageait l’association comme un loisir. »
L’arrivée en 2006 de Claire Philippon, plasticienne, dynamise les échanges avec les créatrices et créateurs nantais. Aurélie Brunner structure l’association : « C’est devenu plus carré, plus organisé. Le côté militant est venu avec les interventions auprès des jeunes des quartiers et des femmes à la maison d’arrêt de Nantes. La culture pour toutes et tous ! »
Chemin faisant, toute l’équipe se perfectionne en jonglage, échasses, maniement du feu, création de costumes et décors. Le groupe, qui compte une quinzaine de personnes, devient plus mixte. « On fait de tout, sauf de la musique. On peut donner de beaux spectacles, simples, mais colorés, pleins de bonnes énergies, et basés sur le partage. Nous offrons la possibilité aux personnes qui nous rejoignent d’exprimer leur créativité en leur apportant des moyens : locaux, matériel, logistique et réseau. »
La révélation du féminisme
Vanessa Renaud confirme : Kromozom, qui fêtera ses dix ans en septembre est « une affaire de femmes ». Les hommes ne sont pas exclus, ils viennent donner un coup de main. Mais les projets émanent des créatrices. « Notre rencontre correspondait pour chacune à un moment dans un parcours de vie, une envie de changer d’air. » Pour autant, il n’est pas encore question de féminisme.
En 2007, Vanessa Renaud reprend des études et suit une formation en management associatif. Ce qui va la conduire à Émulsion en 2008. « Un tournant, raconte-t-elle. La rencontre avec la photographe Corinne Provost a été un cadeau. Elle m’a appris à professionnaliser les savoirs acquis sur le terrain. ». Avec Émulsion, elle découvre un nouveau terrain de lutte : « Je ne connaissais pas le féminisme. Maintenant, c’est devenu un réflexe en toutes circonstances. »
L'exposition « Sors ta moumoute », né en 2010 d’une rencontre avec le transformiste Angie, se positionne fermement contre les discriminations de genre. Suit en 2011 la création photographique partagée avec Corinne Provost « Objectif Naissance - Derrière les clichés, l’album de notre quartier », accompagné d’un défilé de mode mixte, « Pantalon-jupe, jupe-pantalon », conçu et réalisé conjointement par Kromozom, Émulsion et Style Alpaga. Ces deux créations donnent lieu à une riche programmation et des partenariats sur Nantes, puis les quartiers Est.
La solidarité au cœur
Kromozom compte, parmi ces partenaires musiciens, l’association D’krochnot. Vanessa Renaud se lie avec le DJ Jérôme Vincent. Ensemble, ils créent La Réaction. « On a fait une petite sœur à Kromozom et Émulsion ! Les contacts ne sont pas rompus.» Au cœur du projet, un désir de partage : mettre en place des actions culturelles locales débouchant sur des partenariats internationaux; valoriser les créatrices et créateurs de la région nantaise ; diffuser solidairement les productions rapportées des « voyages utiles » du couple. Vanessa Renaud, Jérôme Vincent et Phanny Mimouni, la plasticienne qui les a rejoints, proposent aussi des ateliers où ils partagent leurs savoir-faire divers. Une dizaine d’adhésions aujourd’hui et des échanges réguliers avec les 3 autres associations.
« Tout en restant fidèles à nos valeurs anti-fascistes et anti-sexistes ! » précise Vanessa Renaud. Cette fibre militante lui avait été transmise par un père syndicaliste, une mère féministe sans le savoir et d’un oncle progressiste, « mon modèle quand j’étais enfant. Il y a des choses que je n’avais pas comprises. Maintenant, j’ai appris à m’en servir. »
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Le travail photographique de Vanessa Renaud