Vu de l’intérieur
En réalisant Cause commune Sophie Averty raconte une histoire d’engagement et de solidarité dont elle fut partie prenante. Ou comment, à contre courant d’un discours d’exclusion largement partagé, des citoyen.nes du village d’Indre se mobilisent pour accueillir dignement des familles rroms.
Sophie Averty est monteuse de formation. Son avant dernier film, On n’est pas des machines, annonçait clairement sa démarche politique, puisqu’il traitait des souffrances au travail. Avec Cause commune, elle n’a pas fait un film « sur les Rroms », mais un témoignage sur une prise de conscience collective, menant à des projets concrets, que ni les obstacles ni les pressions ne décourageront.
La solution de confiance
L’histoire commence en 2009, avec l’expulsion manu militari de familles rroms d’un campement de Chantenay, un quartier du sud-ouest de Nantes. Cinquante caravanes bringuebalantes arrivent à Indre, un village proche. Les familles s’installent le long d’un chemin de terre longeant une usine désaffectée.
Le maire de l’époque, Jean-Luc Le Drenn se rend sur les lieux. Il décide d’en finir avec la « politique de la patate chaude ». La commune n’expulsera pas les Rroms à son tour, mais cherchera des solutions d’intégration. Une motion est rédigée par la majorité du Conseil municipal puis présentée aux Indrais.es lors d’un conseil extraordinaire, où elle obtient la majorité des votes (l’opposition ayant voté contre). Un collectif d’habitant.es qui ne veulent pas accepter sans broncher « la misère à nos portes » se constitue spontanément.
Retour sur une aventure humaine
Cause commune a été réalisé trois ans plus tard, après l’installation de cinq familles dans le Village de la Solidarité construit à Indre, et le départ des autres pour des municipalités voisines convaincues par la démarche têtue des Indrais.es.
Elle-même habitante d’Indre, Sophie Averty a rejoint le collectif Romsi dès l’arrivée des Rroms. Elle propose le sujet à France-Culture, qui le refuse. L’idée d’un film s’impose rapidement mais la monteuse refuse de « faire une image crade à l’arrache, comme souvent les films militants. Je voulais soigner l’image. » Dans le cadre de la formation professionnelle, elle s’initie donc à la prise de vue. Mais de retour : « Je n’arrivais toujours pas à sortir la caméra. J’avais l’impression d’être une voyeuse. » Sophie Averty sait qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps pour « garder des traces », car les Rroms vont bientôt devoir quitter le terrain et la production Z ‘azimut film n’a pas encore réuni les fonds. Elle se lance et, parce qu’elle connaît les familles, sa caméra reçoit un accueil chaleureux. Elle filme des « moments clefs », jusqu’au départ.
Cause commune reprend une partie de ces images. Sophie Averty les a mises en scène : nous assistons à leur proje ction, sur le terrain déserté, avec les Indrais.es impliqué.es, dont nous entendons les commentaires attendris. Certaines interviews ont aussi le terrain vide pour décor, dont celle du policier municipal, nostalgique de la visite quotidienne qu’il rendait aux Rroms durant les dix-huit mois de leur séjour. « C’est un film très écrit en termes de mise en scène », explique l’auteure-réalisatrice. Comme elle le souhaitait, l’image, à laquelle a collaboré son complice de longue date, le chef opérateur Bertrand Latouche, est très belle. Les témoignages s’entrelacent, jamais téléguidés. De la membre du collectif qui avoue avoir dû combattre ses « vieilles peurs » à l’égard des Rroms, à la cuisinière Medalia exposant les souhaits tout simples des familles, en passant par le maire et son adjoint racontant les pressions subies au sein même de leur famille politique, chacun.e s’exprime avec sincérité. Et dit combien cette expérience collective a marqué son existence.
« Si je n’avais pas été actrice de cette histoire, je l’aurais raconté autrement. », estime Sophie Averty. Elle porte sur cette aventure un regard empreint d’un respect communicatif.
Pour organiser
une projection
ou se procurer
un DVD de
Cause commune,
s'adresser à Z'azimut films.
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