Drôles - mais pas que !
Le duo féminin vocal et théâtralisé En Voixture Simone a choisi l’humour pour transmettre des paroles de femmes bien senties, parfois grinçantes. Un spectacle qui, selon le mot d’une spectatrice, « pique les fesses ».
Elles se produisent a capella, avec pour seul instrument une pédale boucle dont elles usent pour quelques effets de voix et scéniques. Leur spectacle débute sur la chanson Je suis une femme. Elle pose le débat : nous allons entendre des « paroles de femmes ». Ni plaintives ni agressives – promis. Emmanuelle Cartron et Natacha Gourreau, en artistes engagées, féministes déclarées, militantes pour l’égalitéE bien que n’appartenant à aucune organisation, dénoncent les dérives du sexisme, et de la société en général, mais « avec le sourire ».
L’impertinence tranquille
Elles ont choisi une arme très efficace, l’ironie. Glamour et insolente, poétique et crue, réaliste et déchaînée, leur prestation déconcerte. D’autant qu’elle « monte en puissance vers le pétage de plombs ». Le public rit, c’est fait pour, mais ne sent pas toujours très à son aise.
Les duettistes de En Voixture Simone, qui puisent leurs thèmes dans la vie quotidienne des femmes, visent plus haut que les conflits de couple autour des tâches ménagères. Elles traitent des violences, de l’argent, du désir féminin... Leur reprise très habitée de Madame rêve d’Alain Baschung lève les derniers doutes qui auraient pu subsister : les deux quadragénaires n’accusent aucun signe de frustration. Voilà qui porte un coup fatal aux clichés.
Dans le public, les femmes s’amusent de bon cœur, qui ont identifié des situations, sensations et émotions bien connues. Des hommes ne boudent pas leur plaisir. D’autres se déclarent « pas concernés ». Ou ne comprennent pas qu’on se mobilise sur ce qu’on n’a pas connu, le viol par exemple. Ou encore, exprime une compassion qu’on ne leur avait pas demandée. Rien qui puisse décourager les artistes car, souligne Emmanuelle Cartron, « une parole entendue est une parole actée. Ça ne paie peut-être pas tout de suite, mais ça paie. »
Causes communes
Toutes deux professionnelles du spectacle, vivant et travaillant à Nantes, Natacha Gourreau et Emmanuelle Cartron, sont unies par leur amitié, et par leur conviction commune « que l’un des rôles d’une artiste est de soulever les débats ». Elles ont eu envie de travailler ensemble. La première, altiste et chanteuse de formation, met en musique les textes de la seconde, d’abord comédienne.
Natacha Gourreau forme avec la violoniste/chanteuse Anne Berry une autre équipe scénique, « La Permission – duo féminin de chansons à cordes et plus si affinité ». Elle travaille avec la chorale « Le mystère des voix de garage », qui reprend des chansons de lutte avec des arrangements originaux, ainsi qu’avec la compagnie « Les chercheurs d’Art » sur le spectacle de lecture Vagabonds célestes, où elle est compositrice et interprète. Emmanuelle Cartron fait partie des compagnies « Paq’ la lune », qui s’adresse au jeune public et « Atessoué ! », qui intervient dans des entreprises ou des écoles en théâtre-forum (spectacles « sur mesure » appelés à susciter les réactions et la participation de leur public). Venue à l’écriture parce que ne trouvant pas de pièces adéquates pour les ateliers théâtre qu’elle animait, elle a un jour jeté sur le papier « deux chansons coup de cœur » et s’est prise au jeu. Elle pratique une écriture métaphorique, à sens multiples et niveaux de langage contrastés.
En cours de travail sur leur premier spectacle, les complices ont ressenti le manque d’un regard extérieur : « Les chansons fonctionnaient, mais pas les liaisons entre. ». Un metteur en scène, Denis Mallet, s’est mis de la partie. Il a insisté sur le jeu, la théâtralisation du spectacle, en mettant en valeur leurs trouvailles et leur en suggérant d’autres. Elles y ont gagné en aisance et en fluidité.
Sus aux jeunes !
En Voixture Simone s’est déjà produit devant des classes de 3è. La représentation, bien évidemment, avait pour mission d’ouvrir un débat. A cet âge où les questions de genre et de sexualité se posent à elles/eux avec force, l’insolence des duettistes a libéré la parole des jeunes. « Qu’on soit des femmes de la génération de leurs mères et qu’on s’exprime avec une crudité assumée, les a interpellés et soulagés. Les garçons comme les filles comprennent les enjeux.», commente Emmanuelle Cartron.
Pour les ados déjà, le sous-texte et la mise en mots étaient complexes. Le spectacle actuel ne pouvait convenir aux plus jeunes. Aussi le duo a-t-il mis en œuvre un projet destiné aux enfants de 9-10 ans. Parce qu’il n’est jamais trop tôt (ni trop tard !) pour lutter contre le sexisme.