Des artistes et des mômes
À Môm’Nantes, des artistes viennent à la rencontre d’enfants de 6 à 11 ans socialement non programmé.es pour avoir accès à l'offre culturelle et aux pratiques artistiques..
Môm’Nantes est une des huit antennes du réseau Môm’artre. En 2001, Chantal Mainguené, “famille monoparentale“ parisienne, créée l’association pour répondre à un besoin qu’elle affronte elle-même : trouver un mode de garde adapté à ses horaires de travail comme à sa bourse. Outre la fermeture des portes à 20 h, les tarifs dégressifs selon les revenus, la priorité donnée aux familles en difficulté et en particulier monoparentales, le choix de la mixité sociale, Môm’artre se donne un cap original : « contribuer au développement des enfants par un espace artistique valorisant l’expression de chacun en dehors du cadre scolaire et familial ». Au fil des années, l’association a grandi et essaimé à Paris et dans plusieurs villes. Toutes les antennes partagent les mêmes objectifs pédagogiques et le même mode de fonctionnement.
Dans le bain
Elsa Saïsset dirige depuis un an l’antenne nantaise, située rue de Pavillons, à la lisière du quartier des Bourderies. Graveure, elle était venue en 2004 proposer ses services comme intervenante extérieure. Elle a montré pour l’occasion une autre facette de son talent : elle a initié les enfants à la fabrication de petits personnages en végétaux. On lui a proposé un « emploi jeunes » ; elle est restée. Ainsi en va-t-il de toute l’équipe d’animation des antennes Môm'artre : elles et ils sont avant tout des artistes, formé.es ensuite à l’animation. Par leur intermédiaire, les enfants vivent au quotidien leur initiation aux arts et à la culture.
Tout au long de l’année et pendant les vacances, des artistes invité.es la complètent en apportant d’autres techniques et savoirs. Elsa Saïsset veille à varier les disciplines : arts plastiques, photographie, vidéo, danse, cirque, théâtre... « Chaque intervenant.e nous fournit une fiche, avec son projet rédigé, faisant ressortir les objectifs pédagogiques. Ça permet aussi aux parents de suivre ce que font les enfants. » La « session » dure de six à huit semaines, forcément thématique, débouchant sur des réalisations et clôturée par un vernissage auquel les parents sont convié.es – et viennent. Les enfants, vingt-quatre au maximum, sont âgé.es de six à onze ans, avec une majorité de six-huit ans : « Après, ça les intéresse moins. Elles et ils ont envie d’acquérir une certaine indépendance et non d’être avec des plus jeunes. » L’effectif est variable, car très peu viennent tous les jours. Mais le programme reste immuable... Un.e membre de Môm’Nantes vient les chercher à 16h30 à l’école – un atout primordial pour les parents salarié.es. La petite troupe se rend à pied au local ; on goûte pour reprendre des forces ; une demi-heure environ est consacrée aux devoirs ; enfin, les activités artistiques débutent. On est loin de la garderie plus ou moins oisive.
Camille Robert, conseillère à l'emploi au CIDFF, est intervenue à trois reprises pour sensibiliser à l'égalité filles/garçons les enfants de Môm'Nantes. Elle avait choisi le thème "princes et princesses". Prenant pour base l'album La princesse et le dragon (Robert Munsch et Michael Martchenko; éditions Talents Hauts.), elle leur a demandé d'écrire une histoire à partir du même argument : une princesse part sauver son prince prisonnier d'un dragon. Puis elle leur a lu l'histoire d'origine, qu'elles et ils ont abondamment commentée. Enfin, les enfants ont illustré la version de leur choix.
Mixité sociale : un enjeu difficile
Favoriser le lien social fait partie des engagements du réseau Môm’artre. Môm’Nantes noue donc des partenariats avec des associations du quartier et au-delà. En participant, par exemple, au projet de recueil de la mémoire des Bourderies mené par ACCOORD : les enfants ont rencontré des personnes âgées du quartier, avec lesquelles elles et ils ont réécrit ensemble des histoires. Ces saynètes sont devenues spectacle de marionnettes, orchestré par trois étudiant.es dans le cadre d’une initiative de l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville). Ou encore : une intervenante CIDFF (Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles) est venue sensibiliser les enfants à l’égalité filles/garçons par le biais du conte.
La mixité sociale, autre engagement fondateur, s’avère plus ardue à réaliser. Les mercredis et les stages durant les vacances attirent un public varié. Les jours de semaine, en revanche, Môm’Nantes accueille principalement des enfants de familles défavorisées ; ou, dans le cadre d’un partenariat avec la CAF en faveur de la réussite éducative, des enfants repéré.es dans leur école comme très éloignée.es de l'offre artistique. Leurs familles bénéficient, soit d’un tarif très bas, soit de la gratuité totale. Pour une raison qu’Elsa Saïsset peine à identifier, les familles plus aisées manquent à l’appel. La barrière sociale demeure donc. En outre, l’apport financier de ces familles en mesure de participer, aiderait à boucler un budget toujours fragile. Elsa Saïsset ne désespère pourtant pas. Elle compte que, comme cela s’est produit dans les antennes parisiennes, le bouche à oreille va contribuer à diversifier la fréquentation. Alors, Môm’Nantes remplira pleinement sa mission.